C’est une journée gravée dans l’histoire du football africain et dans la mémoire d’Emmanuel Adebayor. Le 8 janvier 2010, alors que l’équipe nationale togolaise se rendait en bus dans l’enclave de Cabinda pour participer à la Coupe d’Afrique des Nations, des séparatistes angolais attaquèrent violemment le convoi. Ce jour-là, le capitaine togolais, accroupi dans un bus criblé de balles, confronté à la mort, eut une pensée poignante : il appela sa compagne enceinte pour choisir le prénom de leur futur enfant.
« Si c’est un garçon, appelle-le Junior Emmanuel. Si c’est une fille, appelle-la Princesse Emmanuella », lui dit-il, avant que la fusillade ne le force à abandonner son téléphone.
Une attaque qui change une vie
Cet épisode tragique n’a pas seulement bouleversé la carrière du joueur qui évoluait alors à Manchester City, mais aussi toute sa vision de la vie. « Depuis ce jour, quelque chose a changé en moi », confie-t-il 15 ans plus tard à BBC Sport Africa. « Il faut profiter de chaque instant comme si c’était le dernier. Cabinda a fait une énorme différence dans ma vie. »
La délégation togolaise, inconsciente des risques, avait choisi de voyager par route pour rallier Cabinda, une enclave angolaise entourée par la République démocratique du Congo. Malgré une escorte de sécurité imposante, les joueurs plaisantaient sur les AK-47 et grenades visibles dans les mains de leurs protecteurs, sans savoir qu’ils traversaient une « zone de guerre ».
Lorsque les assaillants ouvrirent le feu, la violence s’abattit sans retenue. Kodjovi Obilale, gardien remplaçant, fut gravement blessé, tandis que Stanislas Ocloo, attaché de presse, et Amelete Abalo, entraîneur adjoint, périrent sous les balles.
« Je n’avais jamais vu quelqu’un mourir devant moi »
Pour Adebayor, ce fut une confrontation brutale avec la mort. À l’hôpital de Cabinda, il tenta de réconforter Ocloo, blessé à l’estomac. « Je lui ai dit : ‘Tu dois être fort. La famille t’attend au Togo.’ Mais il a abandonné. Littéralement, j’ai vu quelqu’un mourir devant moi. C’est tellement difficile à croire. »
Ce moment tragique reste gravé dans sa mémoire. Obilale, quant à lui, survécut, mais la fusillade le laissa paralysé.
Un choix qui sauva des vies
Ironie du sort, une confusion au poste frontière entre le Congo et l’Angola permit à une partie de la délégation de survivre. Les bagages avaient été chargés dans un bus climatisé, laissant les joueurs dans un second véhicule, sans air conditionné mais avec des fenêtres ouvertes.
« Je pense que les assaillants ont cru que le premier bus transportait l’équipe. Ils l’ont attaqué avec une grenade ou une bombe », se souvient Adebayor.
Le poids du traumatisme
Rapatrié au Togo, puis en Angleterre, Adebayor reçut le soutien de Manchester City, qui lui assigna un psychologue pour l’aider à surmonter ses cauchemars. Mais le traumatisme persiste. « Lorsque j’entends un bruit similaire à un coup de feu, tout revient », confie-t-il.
Malgré ces blessures psychologiques, l’attaquant a appris à vivre avec ce passé. Il en tire une philosophie de vie basée sur la gratitude et l’instant présent.
Emmanuel Adebayor, une vie qui continue
En juin 2010, quelques mois après l’attentat, la compagne d’Adebayor donna naissance à une fille. Alors que l’ancien capitaine aurait pu ne jamais survivre à Cabinda, son enfant, nommée Kendra, porte un prénom qui symbolise à la fois une vie sauvée et un avenir à reconstruire.
L’histoire d’Adebayor est celle d’un homme marqué à jamais par une tragédie, mais qui a trouvé, dans la résilience, une raison de continuer à avancer. Au-delà de son talent sur les terrains, il incarne la capacité de transformer une douleur indicible en une force intérieure. Aujourd’hui, Cabinda reste une cicatrice vive, mais aussi une leçon sur la fragilité de la vie et la nécessité d’en savourer chaque instant.
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